L'origine

Ce pourquoi l'élevage s'appelle ainsi...!

L'histoire de Cabrenysset...... ou une histoire d'amour pas Tout a fait comme les autres

Introduction

C'est un petit et pittoresque village, au joli nom de "Maçanet de Cabrenys", perché dans les Pyrénées espagnoles qui a inspiré Monsieur René MOLI pour déposer, le 30 Avril 1936, auprès de la Société Centrale Canine l'affixe " DE CABRENYSSET ".

Mais, pour mieux comprendre la vie et le destin hors du commun de cet homme d'exception, il faut reprendre, dès le début, son étonnante histoire.

Né le 28 Mai 1910 à Perpignan, ville historique et de culture catalane, René est le 7 ème enfant d'une famille commerçante, aisée et connue honorablement . Mais, à cette époque, les maternités ne sont, hélas, pas toujours désirées et René arrive tel le " vilain petit canard " d'un célèbre conte pour enfant.

C'est ainsi qu'on l'éloignera, dès l'âge de 4 ans, à Céret, petit village non loin de là, pour l'inscrire à l'école communale. On lui promet, pour l'amadouer, de lui offrir …un petit chien !

Mais les jours vont passer et les promesses vont s'envoler. Le petit René, révolté par cette tromperie et ce manque de tendresse maternelle, se fait le serment qu'un jour, quand il sera grand, il aura des chiens, beaucoup de chiens, des chiens rien qu'à lui.

Voici l'histoire qu'il raconte lui-même:

J'avais 4 ans. Probablement étais-je un enfant comme tant d'autres, même si cela n'était pas l'avis de ma mère... J'étais pourtant le 7e, ce qui aurait dû lui donner la connaissance d'un enfant. Il est vrai que cette digne femme n'était pas très attirée par les maternités et que, si elle a mis au monde huit garnements (il y eut après moi la merveille des merveilles), c'est qu'il y avait d'abord mon père, puis sa rigide dignité et enfin ses conceptions religieuses.
Quatre ans, pour un enfant plein de malice qui furetait partout, fouinant dans les moindres recoins, à qui on ne peut rien cacher, les aînés se chargeant de l'éveiller, il n'en fallait pas plus pour troubler la quiétude familiale. Aussi devant ma vitalité débordante, mes espiègleries, Madame ma mère, soucieuse en premier lieu de sa tranquillité, n'aimant pas grand chose d'autre dans la vie... pas les enfants... tout juste un peu les siens... pas les fleurs, pas les bêtes, pas les rires, créant en cela l'incompréhension qui devait durer notre vie durant, ma Mère donc, décida de m'envoyer chez une amie à Céret... délicieux petit village catalan, non pas pour m'y gaver de cerises réputées, mais pour qu'elle me mette à l'école Maternelle, ce que son rang social lui interdisait, croyait-elle, de faire à Perpignan.

On espérait ainsi me mater et surtout, je débarrassais tout le monde... Ouf!

Mon entrée à la Maternelle, quel désastre! Cris, coups de pieds, jurons de gosse indiscipliné, mais pas un pleur, je n'ai jamais su.
L'amie, que j'appelais Lisotte, ne se découragea pas pour autant et, afin de m'amadouer, complota avec la " cerbère " chargée de m'assagir, de me promettre un beau petit chiot aux oreilles fofolles, et qui se trouvait avec père et mère dans un petit enclos, juste en face d'un bâtiment que la discrétion aurait dû placer plus loin.

" Si tu viens à l'école, me disait Lisotte, je t'assure que Madame te donnera un beau petit chien... Tiens, celui qui te regarde...là... le plus gros! "
Il n'en fallait pas davantage pour que le poulain rétif se laisse amadouer et le voilà béat, acceptant la classe.

Blouse, cravate à pois, crayons de couleur, ardoise, rien n'y manquait, et j'allais régulièrement à l'école: je voulais mon chien.
Quinze jours passent, et tous les soirs, je réclamais et tous les soirs les mêmes réponses: " Sois sage, prends patience, il est encore trop petit " ou " il n'a pas assez mangé " ou " il faut attendre que sa maman ne soit plus là "... Bref, il y avait toujours une raison qui, pour moi, n'était pas valable, puisque jamais je n'avais mon chien.

C'en était trop. Comprenant que l'on se jouait de moi, je fus pris d'une furie subite, réclamant pour la dernière fois, à tue-tête et avec un vocabulaire choisi, le bien promis. Devant un nouveau mensonge, je m'approchai de Madame qui pérorait au milieu des moutards et, imitant le chien, j'arrosai copieusement sa jambe d'un jet réprobateur.

Sa surprise fut courte, mais l'indignation, la honte de Madame fut comique, sauf que la Directrice, le lendemain, n'accepta plus le gosse de 4 ans dans sa maison...de bonne réputation.

Soulagé, certes, de voir s'écrouler les murs de ma prison, je ne fus quand même pas très réjoui de cette décision: cela me privait à jamais de l'espoir d'avoir mon chien.

Tout le monde sait que les chagrins d'enfant passent vite, mais que leurs idées fixes - comme leurs souvenirs, d'ailleurs - sont tenaces.

De ce jour vient ma vocation d'éleveur car, de ce jour, je me suis juré d'avoir des chiens, beaucoup de chiens, des chiens à moi, rien qu'à moi, et j'en ai eu!

Car je crois m'être tenu ce serment, même si pour cela j'ai tout sacrifié dans ma vie... qui reste sans regret

René MOLI.

Une enfance difficile, une adolescence chaotique et aggravée par une santé fragile, le conduiront à mûrir lentement son projet qui tourne vite à l'obsession:

Les années s'écoulent, parfois difficiles, et on retrouve un jeune préparateur en pharmacie qui va enfin pouvoir concrétiser son projet : élever des chiens !

C'est ainsi que René, en compagnie de Lucien Brial, ouvre à Perpignan - sans doute une manière de narguer "Madame"- la Japperie, un chenil qui comprendra plusieurs races à la mode : Loulou de Poméranie, Caniche, Berger Allemand etc… et, en 1933… sa première chienne Colley : " HELLEE DE LA MEYFRENIE " , dont il tombe follement amoureux.

Lucien Brial, à Perpignan, " les Bringots"

En mai 1934 la Société Centrale Canine procède à une refonte du Livre des Origines Françaises. René en profite pour faire inscrire " ALTESSE DES PREMEAUX " (LOF.1-Col.1) , " GYP DES MOORS " (LOF.1-Col.2), " YOO HOO'S BEAUTY YALDEE" (LOF.1-Col.3). Ces derniers étant les parents d'HELLEE qui se voit attribuer le numéro LOF.1-Col.4.

12-03-1936 - Hellée de la Meyfrenie

Naissance de Cabrenysset

Le 30 Avril 1936 sera déposé l'affixe " DE CABRENYSSET " sous lequel naîtra son adorable et adorée : " KENNY de CABRENYSSET ", une fille de Fiat of Baroness et de Hellée de la Meyfrenie.

Elle sera suivie par beaucoup d'autres car il faut se souvenir qu'à cette époque, le Colley est véritablement LE chien de luxe par excellence et que seule la Haute Société, à l'image de la Reine Victoria, peut s'enorgueillir de posséder ce " grand Seigneur ". De surcroît, les éleveurs sont très peu nombreux et les demandes pressantes. Il faut donc, pour avoir un Colley, être riche et …patient !

Après une interruption pendant la Seconde Guerre Mondiale, René décide de rompre définitivement avec sa famille et les siens et part s'installer à Randonnai (Orne), lieudit "La Motte Rouge". Nous sommes en 1952 .

Un cadre verdoyant, une belle et vaste propriété, une grande maison toute en briques, trois lacs à proximité et … un moral à toute épreuve, toutes les conditions étaient ainsi réunies pour faire s'épanouir, grandeur nature, ce rêve d'enfant contrarié.

Avec tous les autres , nés sous l'affixe " DE CABRENYSSET " il arrive à une trentaine de Champions qui ont contribué, sans aucun doute, au succès de la race en France mais aussi à la vocation d'un certain nombre de nouveaux éleveurs.

C'est dans ce contexte favorable que, rejoignant le fameux " PAL " des histoires de Lassie, le moins célèbre mais tout aussi beau " ARDENT DE CABRENYSSET " accompagnera Mireille Granelli et Gilbert Bécaud lors du tournage du film " Les femmes des autres " sous la direction de Claude BARMA.

(ci contre: Mireille Granelli et Ardent de Cabrenysset)

félicité par Ouest-France...

Pour consolider sa pyramide, René MOLI importera de nombreux reproducteurs qu'il conduira au Championnat et qui feront souche partout en France et parfois à l'étranger. On peut citer, entre autres, " CH KIPPAR DE VILLAGAIA ", " CH INT LIONHEART OF LADY PARK " , "CH WESTCARRS BLUE MEDEA ", " CH LUCRETIA OF LADY PARK ", " SHEARCLIFFE BLACK BANDOG " (dit BAMBY) " CH MANDAILLES JESFIRE DRUMMERGAY " , " CH CORYDON COPPER CROWN "

Ch Kippar de Villagaia

Lot d'élevage, à Paris en 1952. René est agenouillé parmi les chiens. On reconnaît à l'extrême droite, Mme Grellier, élevage de Mandailles, créé en 1949.

1954: Ch Bee-Bop de Cabrenysset est classé premier. On reconnait Lucien Brial à la 2ème place, Madame Andrée Grellier à droite.

Ch de France Corydon Cooper Crown dit "CESAR" jugé par Guy Mansencal

1964, UNE NOUVELLE ARCHE DE NOE

En 1964, René doit quitter la "Motte Rouge". Il s'installe à "la Noé" (un nom prédestiné) situé sur la Commune de Boissy-Lès-Perche ( Eure et Loire) où l'élevage se situe encore actuellement.

La Noé - 1964

Mais à l' époque, cette vieille ferme abandonnée, sans un arbre, sans une clôture, sans confort est plutôt inhospitalière ! Alors, il faut tout recommencer, tout refaire, tout reconstruire, tout aménager. Que d'efforts journaliers, que de sueur écoulée ! Sans compter qu'il faut aussi s'occuper de la nombreuse famille à quatre pattes ! Beaucoup de colleys, quelques shetlands et aussi de petits épagneuls bretons pour faire, comme il le disait lui-même, bouillir la marmite !

La Noé - 1970

Heureusement, les récompenses se succèdent, la notoriété se consolide. C'est très justement qu'il est nommé Juge qualifié de la S.C.C. pour le Colley, mais également pour le Shetland et le Bearded Collie. Dans les rings, il sera très vite apprécié pour son application, ses compétences et son intégrité. Sa bonne humeur et sa courtoisie accompagneront toujours ses commentaires et ses précieux conseils pour l'exposant novice.

René Moli avec une portée d'Epagneuls Bretons

L'histoire des chiens, c'est aussi l'histoire des hommes..

1981 - 13ème rassemblement national des Colleys

René Moli à droite en discussion avec Jean-Luc Lagasse (de dos), Jean Janicot (à gauche) et Philippe Lalanne de Jonquel (président du Club - le 2ème à partir de la gauche)

Encore 1981 - le 20 septembre et le 13ème rassemblement national des Colleys

René Moli au centre accompagné de Jean-Luc Lagasse à sa droite et Mme Perez à sa gauche.

1982 - La Ferté St Aubin

René Moli avec Pen Holder de Cabrenysset

Survient alors, à cause de cette santé toujours aussi capricieuse que négligée, une période difficile, des séquences de doute et de découragement, mais rapidement effacées par la joie de mettre encore au monde de jolis bébés et de recevoir la visite de quelques amis. Ceux-ci vont l'aider à surmonter ces épreuves en lui parlant de splendides chiens anglais issus de lignées intéressantes qui conviendraient parfaitement à son cheptel. Il n'en faut pas plus à René pour se remettre à l'œuvre et échafauder de nouveaux plans.

C'est ainsi que " LYNWAY SNOOPY ", qu'il choisira lui-même parmi une ribambelle de chiots très dégourdis, arrivera en France en 1984 , chargé d'une mission essentielle : redonner confiance à celui qui, jusqu'à maintenant, n'avait jamais voulu baisser les bras. Snoopy deviendra en 1987 Ch de France devant près de 400 chiens à l'exposition Nationale d'Elevage de Rambouillet sous les Jugements de Mme Perez. L'extrême gentillesse d'Alan CLARKE et de toute sa famille, la qualité de ses colleys vont séduire René et tisser des liens amicaux et de confiance qui l'amèneront d'ailleurs plus tard vers d'autres importations . Nous saisissons l'occasion qui nous est offerte pour les remercier à nouveau très chaleureusement.

1986 : Une grande année, celle du cinquantenaire de l'élevage, qui va réunir de très nombreux fidèles pour une fête qui restera mémorable parce que chargée d'une grande émotion.

1989, L'hommage du Club

L'année suivante le sera tout autant puisque les nombreuses qualités de SNOOPY en feront un Champion de France puis ce sera l'arrivée du sujet qui sera déterminant pour la suite de cette aventure : " SUPER TED OF LYNWAY " " Teddy " a aussitôt étonné son entourage par son extraordinaire vitalité, sa curiosité permanente, son intelligence et ses qualités morphologiques, le promettant à une brillante carrière. Il obtiendra très rapidement le titre envié d'Elite A.

Teddy en compagnie de Carmel Blonde de Butternay

René, en compagnie de l'un de ses chats préférés, l'européen "Bibi"

En 1989, le Club Français du Berger d'Ecosse reconnaît les mérites de René en le désignant Président d'Honneur .

Hélas, en automne de cette même année, le mal qui le ronge inexorablement finira par triompher de sa résistance et lui impose un ultime séjour à l'hôpital qui devait le priver à jamais de retrouver ses chers compagnons. Le 7 janvier 1990, il s'éteindra tout doucement, laissant dans son sillage le souvenir d'un homme exemplaire , courageux et talentueux et dont la totale abnégation impose le respect.

Merci, René, pour ton talent, ton savoir, ton courage et ta passion.
Nous n'oublierons, ni l'homme de cœur que tu as été, ni l'œuvre considérable que tu as accomplie pour la cynophilie française.
Sois assuré que nous n'aurons pour seul objectif que celui de mériter la confiance que tu as bien voulu nous accorder.

Béatrice et Jean-Claude