... ou comment devenir une star ?

Bonjour les amis,

C'est moi " UNCLE JO GOLD de CABRENYSSET " - mais appelez moi JOJO tout simplement - qui vous supplie de m'écouter, ou plutôt de me lire, cinq petites minutes. Car c'est qu'on a maintenant, avec ma sœur " UP TO DATE GOLD de CABRENYSSET " alias MIMI pour les intimes, quinze semaines et, alléluia, on trotte encore sur l'Arche, à la Noé ! C'est magnifique et plutôt rassurant, non ?

Car pour y demeurer, dans cette petite maison du Perche, c'est pas vraiment coton, croyez-moi, alors, on s'applique comme on peut à bien obéir d'abord, et à garder une jolie frimousse ensuite…Comme si d'ailleurs on y pouvait quelque chose ! De toute évidence, y faut bien qu'on ait un peu de celle de not' mère " Poppy Blonde de Cabrenysset " et de celle de not 'père " Thorgal le Beau, Thorgal le Magnifique, oui ! Thorgal le Pacifique ! " Du Pré Luneau, s'il vous plaît, n'oubliez pas la particule

Tiens, au fait, on l'a jamais vu autrement qu'en photo le bel Hidalgo ! Il a fait sa p'tite " affaire " avec Maman et puis y s'est barré, le beau mec ! Même qu'il y en a qui l'ont vu parader dans des rings en roulant des épaules et du croupion, et d'autres qui l'ont surpris chez lui à faire le joli cœur avec de jolies dames … Ah ! Ces étalons, tous les mêmes ! Vivement mon tour, tiens !

Mais revenons d'abord à Maman qui s'en moque, elle rigole bien mieux avec nous deux ! Y faut dire qu'avec les trois poils qu'il lui reste sur la tête et guère plus sur la croupe, elle est aujourd'hui plus proche du coyote nord américain que du collie britannique…Alors, le mannequin qu'elle était s'est mise en congé parental. Par la force des choses.

Bref, tout ça pour dire qu'il apparaît qu'on est assez dégourdi puisqu'on est encore là. Tant mieux! Mais c'est pas rose tous les jours ! Il faut garder le moral, croyez-moi !

Tenez, si vous avez encore une 'tite seconde, ouvrez grands les yeux pour lire toutes nos misères qu'il faut qu'on vous raconte dans le détail :

On peut commencer par la toilette : là, c'est pas franchement la rigolade. Faut d'abord qu'on nous hisse sur la table, moi qui ai un de ces vertiges ! On nous ouvre grand la gueule (Non, non, on dit pas la bouche pour un chien) pour voir tout s'qui s'y passe. Paraît aussi qu'c'est grave s'il nous manque des quenottes pour plus tard !

Vient le moment tant redouté de la friction énergique avec la brosse à clous, suivi du démêlage avec un gros peigne, lui aussi tout en ferraille. Si, si, j'vous jure ! Paraît aussi qu' c'est pour not' bien ! Ca fouette le sang, qu'ils disent. Décidément, y sont bizarres ces costauds qui vivent sur leurs deux pattes…!. Arrive alors le coup d'ciseau ici et là, puis l' sécateur pour les ongles, suivra le coton tige dans les trous d'nez, on enchaînera avec l'eau dans les yeux avant le truc qui pique et qui sent pas bon dans les oreilles. Et si on n'est pas évanoui après tout ça, ça s'terminera dans la baignoire, massage avec doigté et mousse piquante en option. Et que dire du séchage version " turbo-compresso-pulseur " ? Quel supplice, mes aïeux! D'ailleurs, c'est pas tout à fait innocent ni sans danger puisqu'on a pris la précaution de nous attacher solidement avant cette super ventilation. Ca vous rappelle pas les stations de lavage pour voitures ? Manquent les rouleaux rotatifs et la cire aux silicones…

Après ce " dépoussiérage-lavage-séchage-astiquage ", on passe illico presto et ipso facto à l'inévitable, l'indispensable, que dis-je, l'incontournable séance photos. " Catapostrophe ! " comme disait ma mamie bien aimée. Des heures et des heures à faire semblant de bouffer des biscuits ! Evidemment, y'en a bien un p'tit morceau qui tombe par terre ou dans l'gosier de temps en temps, mais vraiment pas gros, j'vous jure. Et puis, tourne toi par ici, et puis tourne toi par là…et la patte gauche qui va pas bien et l'oreille qui s'redresse à cause du vent et l'soleil qu'est plus du bon côté… des heures, j'vous dis, pour quelques miettes ridicules ! Constatez! Y'a pas du tout de soleil et voyez comme on en tire une !

Et c'est que des photos ! Imaginez un peu le jour où on va faire du cinéma!

Je vais aussi, puisque c'est le quart d'heure de tout balancer, vous raconter les folles séances de la ficelle autour du cou ! Pensez si on a vite fait semblant d'obtempérer ! Ca fait bigrement moins mal parce que ça dure moins longtemps, c'est tout bête ! Et ils sont tout heureux d'annoncer à qui veut bien l'entendre - la voisine en premier - qu'on sait déjà, à notre âge, marcher en laisse ! La pauvre dame, si elle savait !

Et moi, j'vous demande aussi pourquoi l'patron, y me tripote sans arrêt entre les cuisses ? Ce s'rait, dit-il, pour vérifier qu' mes deux pompons sont bien rangés dans leurs minis sacoches ! Où veut-il que j'les mette, c'nigaud ? Derrière les oreilles, sans doute ! Remarquez, c'est p'tète ça qu'on appelle après des catons…Mais, moi, j'y crois pas trop parce que les filles en attrapent aussi de ces machins-là.

Tenez, l'aut' jour, le même patron, y nous conduit voir le véto en blouse verte. Très, très gentil celui-là. Même qu'il s'appelle Georges. (Sûrement qu'on doit l'appeler JOJO comme moi). Y nous a caressé la tête et après, plouf, y nous a tous mis dans le noir pour regarder avec une grosse loupe dans la main et une loupiotte sur la tête, nos yeux un par un (si vous suivez, ça a fait quatre en tout) et après, il était tout content et not' patron lui aussi. Nous, on n'a rien compris évidemment, on avait les yeux qui pleuraient à cause des gouttes mais, eux, y discutaient et avaient l'air de bien rigoler. Alors, pour qu'on s'occupe encore de nous, j'ai fait un énorme pipi par terre. Mimi m'a imité, bien fait ! La p'tite secrétaire, mignonne elle aussi et appelée en grande urgence, a rappliqué aussitôt avec sa serpillière et son p'tit seau. Merci, mademoiselle ! De toute façon, moi, on m'avait dit qu'ici, c'était un cabinet, alors…

Les grands, qui sont dans la cour d'à côté qu'on habite, y nous ont dit qu'un jour, quand on s'ra plus grand, y faudra qu'on y retourne pour prendre les radios de nos hanches. Curieux, faudra que j'demande comment qu'on peut écouter de la musique avec ça…

Notez évidemment qu'on exagère un peu, nos maîtres, y sont aussi parfois bien braves. D'abord, ils nous ont aménagé un très grand parc de jeux avec dedans plein de trucs à mâcher et à trimbaler, ils nous caressent assez souvent, ils nous promènent en ville, ils nous donnent des croquettes qui sentent bon le poulet, le bœuf et le saumon réunis … et puis, la nuit, après cette rude journée, ils nous foutent enfin la paix ! Ah ! Un bon roupillon, la truffe humide dans les chaussons du maître, y'a qu'ça de vrai ! Que du bonheur ! Et rien que pour ça, on a vraiment envie de rester là !

On sait même que plus tard, mais seulement si on le mérite, on pourra voyager un peu partout, pour retrouver d'autres copains et copines, cousins et cousines, sur d'la moquette ou d'l'herbe et même que des fois, on s'rait applaudi par plein de gens tout autour !

Nous, des vedettes, des stars peut-être, t'imagines un peu, ma Mimi ?

Mais on vous l'dit et on vous l'répète, avant d'en arriver là, c'est carrément pas fastoche d'être un beau berger de l'Ecosse ! Car nous on est patient, mais eux, le seront-ils suffisamment ?

C'est pour cela, mes bons, mes chers, mes vrais amis, qu'on vous le demande et même qu'on vous supplie : faites une grosse prière pour nous ! Et pour la peine, vous aurez des léchouilles de nous deux.

A bientôt qu'on espère…

JOJO & sa petite frangine MIMI
Propos recueillis avec la complicité de Jean-Claude AGOUTIN

LA PREMIERE EXPO !

Bonjour les amis,

On vous l'avait chuchoté la dernière fois qu'on s'est causé : si on ne devenait pas trop moche, nous irions en exposition. Eh bien, figurez vous que c'est maintenant chose faite!
Depuis quelques jours, notre maître, " Daddy-l'observateur ", y nous regardait pas tout à fait comme d'hab. Il avait l'air assez satisfait de nous. Pourquoi ? ça, on ne le sait pas vraiment. Toujours est-il qu'il a pris soudain la décision de nous inscrire à une exposition canine. Quelques mouvements saccadés de souris sur le petit tapis en mousse de l'ordinateur et hop ! nous voilà aussitôt programmés pour un voyage, classe pupille, tout près des plages du débarquement…
Week-end mémorable, assurément!

L'aventure commence la veille, par une inspection générale et minutieuse du chignon, de la toison et… du croupion. Nombreuses frictions en aller et retour de " Daddy-l'énergique " muni de sa redoutable brosse métallique afin de gommer le désordre apparent du pelage. En prime, tous les soins périphériques dont je vous ai parlé la dernière fois, mais en un peu plus zélés…
Dimanche matin, réveil en fanfare à cinq heures " pile poil ", bien avant le chant de notre coq gaulois (revendication dudit volatil passablement vexé : pourquoi ne dit-on jamais " pile plume " ?).
Sortie sanitaire donc obligatoire, dans le noir, le froid et la pluie. Brrrrr !!!!!
Il s'écoule encore une petite heure de préparatifs divers avant que l'on soit niché dans le coffre…

Au terme d'un voyage plutôt longuet durant lequel Mimi ne va pas cesser de faire son intéressante en crachouillant des bulles comme si elle avait avalé une savonnette, on arrive au petit jour sur un immense parking animé de voitures, estafettes et fourgons en tous genres. On en voit descendre précipitamment des centaines de chiens et " assimilés " car tous ne nous ressemblent pas vraiment.
Ici, des tout petits, très en colère s'agitent et s'égosillent dans des sortes de cages à oiseaux, empilées sur des diables à roulettes. Là, des monstres avec un gros pif, aux oreilles pendantes et aux babines qui dégoulinent. Ces costauds ont l'air de tracter des gens qui sont au bout de la laisse et qui tentent vainement d'avancer en position verticale. Super marrant ! J'ai repéré aussi des tout frisés avec des Kway et des bottines, au look de marins bretons un jour de tempête.
Débute alors un laborieux slalom entre les gens, les bêtes, les voitures, les arbres, les flaques d'eau et, pardonnez-moi, les " choses ", souvent molles et toutes encore fumantes , nauséabondes - Pouah ! - (Je réalise soudain pourquoi nous sommes à jeun depuis hier ! Tous les maîtres feraient bien, à la prochaine excursion, d'imposer à leurs protégés cette même discipline, simple et…salutaire pour tous.)
La foule à deux jambes et celle à quatre pattes semblent maintenant aspirées vers le vaste hangar. Là, devant la porte, une queue longue comme ça car un monsieur et une dame contrôlent nos passeports. Brève vérification et ils acceptent gentiment de nous laisser rentrer. Waouf !

Le concert d'aboiements à peine supportable dehors devient ici carrément intolérable : il est en super stéréo et beaucoup trop amplifié par la résonance de cet immense caisson. Pour un peu, on tenterait même de s'échapper ! Un rapide coup d'œil sur le catalogue, puis sur le plan, et on se dirige enfin vers un autre hall. Soudain, je repère des colleys un peu comme nous, mais d'une autre couleur. Allons, Jojo, ne perd pas la face ! J'avance fier comme Artaban, avec le pas assuré d'un rôdé de la discipline. Du coin de l'œil, je surveille ma Mimi et j'observe que sa tête, à la manière d'un gyroscope, se visse et se dévisse sur 360° pour mieux profiter du spectacle. Ah ! les filles, toujours aussi curieuses…
Dans l'urgence et la précipitation réunies, " Daddy-l'enquêteur " va tenter maintenant de repérer le bon numéro de notre cage. Mais tout a l'air savamment mélangé. Le " 212 " avoisine le " 615 " qui, lui-même côtoie le " 38 "... Bizarre ! Bizarre ! Ca doit être encore un nouveau passe-temps de chez les humains... " Daddy-l'agacé " décide soudain d'interrompre ce jeu stupide et décrète que notre refuge sera celui qui est précisément devant lui. Il substitue discrètement le numéro déjà en place par celui qu'il a déniché dans l'enveloppe des douaniers ! Ni vu, ni connu, j't'embrouille …
Ce qui nous donne droit à la pause souriante de " Daddy-le malicieux ".
On peut ainsi prendre nos quartiers dans cette sorte de cage à fauves - et à courants d'air- pour boire un bon coup d'eau fraîche, bien mérité après ces toutes premières émotions.

Mais la pause est de bien courte durée : on se retrouve assis sur une table basse prêtée par des amis pour y subir une nouvelle séance de manucure, destinée cette fois à ôter le sable rouge qui nous colle aux pattes

C'est notre Mimi nationale qui va ouvrir le bal avec deux autres copines du même modèle. Un peu intimidée, elle s'approche de Madame la Juge qui la regarde en souriant. " Quel joli nounours ! " s'exclame-t-elle tout en lui caressant doucement la tête. (Je crois que c'est aussi pour voir si le crâne est bien plat …) Comme le véto, elle relève doucement ses babines - celles de Mimi, pour ceux qui ont du mal à suivre…- vérifie les dents, puis tâte le dos, les pattes de devant, celles de derrière, et tend légèrement la queue.
Intermède musical :
" ¯Et la queue, ¯et la queue, ¯alouette, ¯alouette…¯ "

Un coup d'œil à l'ensemble, quelques mots à celle qui doit être une amie. Celle-ci griffonne: " Super caractère, une tête belle à craquer sinon à croquer… " Bof ! Ce n'étaient surtout pas des choses à lui dire ! j'vous raconte pas les chevilles qu'elle aura en rentrant au bercail…
Vient l'instant de la promenade. Elle consiste en un aller et retour suivi d'un p'tit rond sur place. Et c'est tout ! On en fait plus à la maison, ça, c'est sûr ! " Daddy-l'économe " cède encore quelques miettes et, comme prévu, Mimi le dévore des yeux, à défaut de pouvoir s'en régaler.
C'est donc ça une exposition ! Depuis le temps qu'on m'en rabat les oreilles. Je ne vois pas ce qu'il y a de très compliqué là dedans...

Ce sera mon tour une heure après, mais avec un Monsieur, bien entendu. Même cinéma, même résultat. Sauf que moi, j'ai maintenant l'avantage d'en savoir un peu plus sur le programme des réjouissances. Je me concentre à l'extrême pour mériter le biscuit sec qui sort de la poche droite, mais, hélas, toujours aussi fragmenté. Ma queue bat la mesure comme le balancier d'un métronome et ce mouvement trahit mon impatience... Le juge me palpe aussi de partout. Il réclame enfin le petit parcours de santé. Là, je m'y attendais ! Et je trotte plus joyeusement que Mimi pour montrer tout mon savoir-faire. Nigaud, imbécile, stupide le Jojo ! Fatale erreur ! Sur le slip (ne me demandez pas pourquoi ça s'appelle comme ça…), il est écrit : " Ensemble très flatteur, un fouet d'excellente longueur mais qui a tendance à s'élever en mouvement.. ! "
Zut ! Pas commode d'être de bon poil sans devoir le montrer

Midi. Pause repas. Encore un privilège pour les maîtres !
Après-midi : Alternance de siestes sur le tapis de cage et de balades dans les allées pour découvrir les autres invités de la journée. Pour la plupart, ils somnolent. Ils semblent totalement résignés et ne le cachent d'ailleurs pas. D'autres sont encore perchés sur le guéridon de chez la " coiffeuse poudreuse " et attendent le nuage de laque final et salvateur. Enfin, quelques rares forcenés, échappés de je ne sais quel zoo, se jettent brutalement sur tout ce qui bouge en vociférant des insultes. " Tel chien, tel maître !" On serait bien inspiré de se méfier aussi de leurs propriétaires…
Que voulez vous mes chéris, tout fout'l'camp, même les bonnes manières ! Alors, bien content d'être un colley ! Dans ce grand magasin fourre-tout, je n'ai guère trouvé mieux aujourd'hui.

A seize heures, distribution des oscars aux " très prometteurs " que nous sommes devenus très officiellement au cours de cette mémorable journée : deux bols riquiqui, en plastique bleu, au sommet d'un petit pied chromé. Si, si, ça s'appelle une coupe ! Et comme je le suppose, on va dorénavant grignoter là dedans, ça promet… Nous, on aurait préféré le style saladier, soupière, voire marmite ! Pas vrai, Mimi ?
On résume ? Plutôt sympathique, ce premier bol d'air. Mais côté rigolade, alors là, franchement, y'a mieux !
Mais, j'ai entendu parlé qu'à Vincennes…

JOJO & sa frangine MIMI
Propos recueillis avec la complicité de Jean-Claude AGOUTIN